Page 34 - Extrait du livre Le Patron avant tout - Rou'hama Shain
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34 d Le pincement sur la joue
contre-cœur la salle de cinéma obscure pour affronter en clignant
des yeux la lumière crue du soleil.
Nous nous précipitâmes à la maison pour embrasser Maman
et lui faire part de toutes les merveilles que nous venions de voir.
Papa, d’un ton désapprobateur, déclara qu’on en avait mainte-
nant assez vu pour trois mois. Je cochai soigneusement la date sur
notre calendrier…
d
Un jour, Maman reçut de notre épicerie voisine un bon d’en-
trée gratuite au cinéma dont on ne pouvait bénéficier que pen-
dant les heures scolaires. « Vas-y toi, Maman », l’encourageai-je,
« tu adoreras ça ! ».
Je ne pus me concentrer à l’école ce jour-là. Imaginer Maman
au cinéma… En rentrant de l’école, je me précipitai à la maison
où je trouvais Papa et Maman. « Maman, quel film as-tu vu ? »,
demandai-je avidement.
- J’ai vu un cow-boy à cheval sur une route poussiéreuse.
- Et après ?
- A vrai dire, dit Maman, il faisait bon dans la salle, j’étais ins-
tallée confortablement… je me suis endormie aussitôt. En rou-
vrant les yeux, j’ai vu le même cow-boy à cheval, revenant sur ses
pas… C’était la fin du film !
Je n’en revenais pas.
Papa avait prêté l’oreille à ce que disait Maman. « Aidel, le
cinéma est une bonne chose pour toi. Chaque fois que tu recevras
un bon gratuit, profites-en ! », dit Papa avec un large sourire en
direction de Maman fraîche et dispose.
d
Mes sœurs et moi fréquentions l’école primaire du quartier.
Nous étions mêlées à des enfants de nationalités diverses – des
italiens, des polonais, des russes, des chinois – et nous avions des
amies parmi tous.
Nombreuses étaient mes camarades de classe qui venaient à la
maison faire leurs devoirs avec moi. Papa et Maman les traitaient
très gentiment. Mais nous avions comme instruction formelle – et
nous nous y pliions scrupuleusement – de ne jamais aller chez