Page 29 - Extrait du livre Le Patron avant tout - Rou'hama Shain
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Le PATRON avant tout d 29
Rou’hama l’a-t-elle mérité pour un autre méfait pour lequel elle
n’a pas été punie ».
Par une chaude journée d’été, pendant les vacances, je jouais à
la marelle en bas dans la rue, avec mes camarades. Papa se diri-
gea vers moi et me dit « Rou’hama, tu es déjà bath-mitsva (âgée
de 12 ans, donc majeure). Monte mettre des bas ». Je me précipitai
vers l’escalier et montai à la maison : « Maman, dis-je en pleurant,
Papa ne me permet plus de mettre des socquettes parce que j’ai
douze ans. Je n’ai aucune paire de bas légers » me plaignis-je, en
fouillant dans mon tiroir. Je montrai à Maman mes bas d’hiver,
épais, en les regardant avec dégoût.
« Porte-les en attendant », conseilla Maman. « Je t’achèterai des
bas d’été dès que possible ».
Je retournai jouer à la marelle avec mes camarades qui jetaient
des regards pleins de pitié sur mes gros bas d’hiver.
d
Osna était ma meilleure amie d’enfance. Son père, Alter Wi-
neisky, était arrivé en Amérique presque sans le sou, laissant sa
femme ‘Hanna et leurs deux fils en Russie, en attendant de ga-
gner de quoi les faire venir.
Papa le rencontra à la choule, un soir, seul et abattu. Il n’avait
ni famille ni aucune connaissance à qui s’adresser. Papa l’invita
à rester chez nous. Papa, qui était dans la fourrure, l’initia aux
rudiments du commerce de la fourrure et l’aida à gagner l’argent
nécessaire pour faire venir sa famille. A leur arrivée, Papa loua
pour eux un appartement dans notre immeuble. Maman et ‘Han-
na devinrent bientôt de très bonnes amies. Toutes deux furent en-
ceintes en même temps. Après la naissance d’Osna, ‘Hanna atten-
dait impatiemment l’accouchement de Maman. Trois semaines
plus tard, Esther descendit à l’étage de ‘Hanna pour lui annoncer
qu’elle avait eu une nouvelle petite sœur nommée Rou’hama. La
mère d’Osna en fut ravie : « Ma fille aura une bonne amie » com-
menta-t-elle.
Osna passait le plus clair de son temps chez nous. Ses parents
travaillaient dur pour arriver à joindre les deux bouts et n’avaient
pas beaucoup de temps à lui consacrer. Papa et Maman la trai-
taient comme l’une des nôtres ; elle faisait partie de notre famille.